La Mythologie Française

Le mythe qui est parole, image et symbole, est pour les hommes d'aujourd'hui comme d'hier, - même si en leur orgueil, ils en ont peu conscience, - chair de leur chair et pensée de leur pensée.
Voir ces personnages se métamorphoser sous ses yeux, se battre, se dérober, naître et mourir, échanger parfois leurs noms et certaines de leurs caractéristiques, former enfin cette matière de folklore - où le jeu des miroirs et des permutations reflète bien souvent le fils dans le père ou dans le grand-père, confond les jumeaux - qui s'appelle mythologie.
Henri Dontenville
Mythologie française, Paris, Payot, 1998, p. 253
 
Claude Gaignebet
Religion populaire et art profane au Moyen Age, Paris, PUF, 1985., p. 91

La Mythologie peut être considérée comme l'étude des personnages et récits imaginaires, dans la mesure où ils sont ou ont été porteurs de croyances ou de gestes rituels.

On connaît les mythologies grecque et romaine, égyptienne et hindoue … Mais existe-t-il une mythologie française ?

La mythologie "française" - nourrie des différentes cultures qui se sont développées sur notre sol - ne constitue évidemment pas une mythologie structurée, érigée en système, comme peuvent l'être les mythologies qui ont pignon sur rue. On peut pourtant raisonnablement postuler que cela fut le cas à certaines époques : lorsque s'élevaient menhirs et dolmens, au temps des Gaulois, ou encore au Moyen Age. En ces temps plus ou moins lointains, s'est constitué un vaste gisement de traditions. Et il est certain, comme le fait remarquer Dontenville (op.cit. p. 11), que "c'est bien en période française de l'histoire de ce pays que se sont perpétuées et qu'ont encore évolué les croyances ici étudiées." Peut-on pour autant parler de "mythologie française" au singulier ?

En France, comme partout dans le monde, peuples et religions se sont succédé, les uns chassant les autres. On sait cependant combien il est difficile d'oblitérer toute trace d'anciens cultes et traditions. Les noms de nos jours, de nos mois et de nos planètes préservent le nom des dieux romains. Bien des superstitions perdurent dans notre vie quotidienne, témoignant de croyances refoulées. Et nos saints, toujours vénérés, ont en leur temps lutté contre des dragons, se sont promenés une fois décapités la tête entre les mains, sont morts et ressuscités plusieurs fois, ont vécu en bonne entente avec les bêtes sauvages en parlant leur langage, et ils n'ont pas hésité à multiplier les prodiges, répétant les gestes d'anciennes divinités oubliées.

Toute religion qui succède à une autre respecte longtemps certaines pratiques et formes de culte, qu'elle se borne à harmoniser avec ses propres dogmes. Gérard de Nerval ("Isis", Les Filles du feu) Saint Grégoire-le-Grand considérait déjà qu'il valait mieux investir les anciens lieux de culte en les consacrant à Dieu, plutôt que de les détruire et de s'aliéner la dévotion des fidèles.

Il est désormais largement admis que les églises ont souvent été bâties à l'emplacement des anciens temples, de même que ceux-ci ont sans doute succédé à d'autres cultes. Les anciennes légendes reprennent vie à travers de nouveaux récits. Il y a succession, superposition, et non remplacement. Et l'on peut considérer que la "mythologie française" est faite de l'accumulation, de l'assimilation, de la mise en résonance, de la conjonction ou de l'opposition de tous ces apports successifs.


L'étudier revient dès lors à fouiller dans le passé et à en explorer les strates superposées. Et l'on se retrouve face à un immense puzzle dont bien des pièces sont manquantes. Mais celles que l'on déterre, situées sur un même territoire et générant une même culture, participent nécessairement à une même construction. C'est ce puzzle que les défricheurs de la mythologie française, faisant appel à tous les outils qui étaient à leur disposition, se sont ingéniés à recomposer.

D'autre part, il serait illusoire, là encore plus que dans tout autre mythologie, de rechercher une exactitude des données : les noms peuvent changer, tout autant que les liens de parenté ou la paternité des faits. Il s'agit d'un ensemble mouvant où, selon les sources et les traditions, tout peut être dit, et son contraire, ce qui n'exclut pas une certaine logique dans la récurrence des thèmes et dans les significations qui s'y font jour…

La bibliographie concernant ce domaine est abondante et touche de multiples champs d'investigations.

 

mythes, contes et légendes

Il y a lieu de distinguer entre ces trois modes de récits, notamment dans les rapports qu'ils entretiennent avec le temps et l'espace :

Les mythes sont fondateurs, ils se situent au Commencement, " en ce temps-là ", in illo tempore, et leur scène est la Terre. Mircea Eliade propose cette définition : " Il ne se laisse saisir en tant que mythe que dans la mesure où il révèle que quelque chose s'est pleinement manifesté, et cette manifestation est à la fois créatrice et exemplaire, puisqu'elle fonde aussi bien une structure du réel qu'un comportement humain. " (Mythes, rêves et mystères, Paris, Gallimard, 1957, rééd. Folio Essais, 1999, p. 13)

Les contes se situent hors du temps, en un temps indéterminé - " il était une fois " - et en un lieu fantaisiste : " Il faut dire que c'était au vieux temps avant qu'on eût pris la coutume trois coups le jour de sonner l'angélus. Les fées venaient encore se jouer en ce pays. Dans les bois, dans les prés, les bergers, les chasseurs avaient affaire à elles. " (Henri Pourrat, "La Chemise de la fée", Les Fées, Gallimard, 1983, p. 28)

Les légendes enfin parlent de " ce lieu-ci ", celui où l'on se trouve, et d'un temps lointain mais inscrit dans le passé, dans la continuité historique. Elles rendent compte des particularités de l'endroit.

Ainsi, les mythes mettent en scène les dieux, qui nous dominent de toute leur puissance ; les contes évoquent des êtres merveilleux, à l'existence évanescente ; et les légendes se situent au niveau de l'homme, fût-il un héros.

Les mythes sont générateurs de rites ; mythes et légendes sont objets de croyance ; et les contes ont réputation d'être fantaisistes. Mais on peut observer une perméabilité et des allers et retours incessants entre ces différents domaines : " Lorsqu'il n'est plus assumé comme une révélation des "mystères", le mythe se "dégrade", il s'obscurcit, devient conte ou légende." (Mircea Eliade, op. cit., p. 14).

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