Les grands bâtisseurs


La nature présente des aspects souvent étonnants ou impressionnants, et l'on a volontiers fait appel à des êtres surnaturels pour expliquer leur origine.

Certaines œuvres humaines n'ont pas manqué d'intriguer aussi ceux qui les découvrent, et elles ont de la même façon été imputées à des auteurs imaginaires.

Lorsqu'il s'agit de mégalithes, ce sont simplement des géants qui les ont lancés ou laissés tomber là. Mais il a fallu faire appel à une science supérieure pour justifier la présence d'églises ou de châteaux, de ponts audacieusement lancés sur le vide ou de routes couvrant de longues distances.

Les protagonistes sont multiples, et l'on insiste d'abord sur les bienfaits qui ont résulté de cette construction. Ce sont souvent des saints, tels saint Gwénolé ou saint Kado en Bretagne, voire la Vierge, qui mettent ainsi la main à la pâte. Mais ce peut être aussi le Diable : c'est lui que saint Aubert contraint à bâtir l'abbaye du Mont-Saint-Michel. Sans négliger le modèle que proposait le personnage tout aussi sulfureux d'Aliénor d'Aquitaine qui fut aussi une grande bâtisseuse.Et ce peuvent être toutes sortes de personnages qui entreprennent de telles œuvres, selon les traditions de chaque lieu : les fées ou Mélusine, la reine Brunehaut ou la reine Berthe ...

Ce sont d'habitude des travaux qui se font nuitamment, en un temps record, et le plus souvent en une seule nuit.

Mais comme il faut que tout se paie, et il y a souvent marché. Et le Diable exige régulièrement de disposer de l'âme du premier être qui passera par là (sa spécialité étant les ponts). Evidemment celui qui traite avec lui se montre le plus malin : ou bien il envoie un chat ou quelque autre animal traverser le pont, et le Diable doit bien s'en contenter. Ou bien il s'arrange pour que le contrat ne soit pas rempli, par exemple en faisant chanter le coq avant l'heure.

Car c'est la marque de nombre de ces réalisations en fin de compte peu "catholiques" : elles demeurent inachevées, et cela à jamais, car nul n'arrive à poser la dernière pierre qui manque. Ou bien leur constructeur, floué, se met en colère et détruit une part de ce qu'il a réalisé. Et, toutes magnifiques qu'elles soient, elles se trouvent soumises à la précarité, telles les œuvres de Mélusine qui "iront toujours dépérissant".