LE PERSONNAGE MYTHOLOGIQUE DE SAINT PIERRE


Saint Pierre
sur le lac de Tibériade

Église du Petit-Mars (44)

Saint Pierre-aux-Liens
délivré par l'ange

Cathédrale de Bazas (33)

La crucifixion
de Saint Pierre

Église St-Pierre-de-la-Tour
à Aulnay-de-Saintonge (17)

Tant que Jésus vit parmi ses disciples, Pierre figure parmi les apôtres et témoigne avec eux. Il se distingue essentiellement en ce qu'il est le premier d'entre eux, celui auquel Jésus confie la destinée et les clefs de son Église : " Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église, et que les portes du royaume des morts ne prévaudront point contre elle. " Quelques événements resteront attachés à son nom et continueront à le caractériser : la pêche miraculeuse et sa première rencontre avec Jésus : " Je vous ferai pêcheurs d'hommes " ; la marche sur les eaux : " Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? " ; sa résistance lors de l'arrestation de son maître en coupant l'oreille de Malchus ; son triple reniement : " Avant que le coq chante deux fois, tu me renieras trois fois " ... Tous ces faits sont rapportés dans l'Évangile et font partie du message que l'Église a transmis jusqu'à nos jours.

Ces épisodes sont porteurs de leur propre symbolisme. Celui de la pierre de fondation tout d'abord ; mais les traditions populaires retiendront surtout le mot "pierre", et ce sera parfois l'existence d'anciennes pierres sacrées - pierres naturelles ou mégalithes érigés par l'homme - qui induira des consécrations à saint Pierre, ces pierres païennes devenant ainsi des "saintes pierres". Celui de la clef ensuite : " Je te donnerai les clefs du royaume des cieux : ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux. " Saint Pierre est de fait le plus souvent représenté avec deux clefs (d'or et d'argent), parfois avec une seule (celle du Paradis), ou encore avec trois (celles du Ciel, de la Terre et de l'Enfer). Mais ce qu'on lui demande souvent de délier, c'est la fièvre, ou bien la rage (saint Pierre n'a-t-il pas mis en fuite les chiens enragés de Simon le Magicien, et n'est-il pas apparu à saint Hubert pour lui remettre les clefs ayant pouvoir contre ce mal ?) : on appose aux hommes ou aux bêtes les "clefs de saint Pierre" (en fait un fer chaud).

La vie de Pierre après le départ de Jésus devient plus incertaine et n'a pas manqué de susciter des interprétations légendaires. Il accomplit des miracles : à Jérusalem, il ressuscite Tabitha et il guérit les malades au contact de son ombre. A Rome il déjoue les sortilèges de son homonyme, Simon le Magicien, le favori de Néron. Et il connaît à trois reprises la prison : emprisonné à Jérusalem par Hérode Agrippa, il est délivré par un ange qui brise ses fers ; emprisonné à Rome par Néron, il s'évade grâce à la complicité des geôliers qu'il a convertis. Mais, alors qu'il fuit les persécutions, il rencontre dans une vision Jésus portant sa croix. Et, à sa question " Où vas-tu, Seigneur ? ", celui-ci répond qu'il se rend à Rome se faire à nouveau crucifier. Pierre comprend le message et retourne à Rome, où il est de nouveau incarcéré. Il y subira, avec saint Paul, le martyre : s'opposant, par humilité, à subir le même supplice que le Christ, il demande à être crucifié la tête en bas.

Rome conserve, entre autres reliques, avec ses clefs et sa chaire, les chaînes provenant de ses deux prisons (Jérusalem et Rome), qui se sont miraculeusement soudées ensemble. La libération de saint Pierre par l'ange reste un point fort de la légende. Elle justifie la consécration d'un certain nombre d'églises à "Saint-Pierre-aux-Liens", et elle se traduit par une fête spécifique le 1er août, qui confirme l'apôtre dans son rôle de lieur et de délieur ("Ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux"). Or cette date parle aux mythologues, puisqu'elle correspond à l'ancienne Lugnasad, la fête du dieu Lug, qui ainsi a pu être perpétuée, d'autant plus que l'on trouve des églises Saint-Pierre sur d'anciens sites apparemment consacrés au dieu gaulois, comme sur le Montmartre de Paris ou à Lisieux. Elle s'inscrit également dans le calendrier agricole, puisque les moissonneurs, dont Pierre est le saint patron, sont eux-mêmes des lieurs de gerbes.

La célébration de la Saint-Pierre elle-même, le jour et la veille au soir du 29 juin, s'inscrit également dans le cycle des fêtes saisonnières. Elle se rapproche par bien des aspects (feux de joie, collecte d'herbes chargées de pouvoirs ...) de celle de la Saint-Jean. Van Gennep rattache ces deux fêtes à une possible survivance d'un "Cycle cérémoniel autonome du 23 au 30 juin" de la Gaule protohistorique, les feux visant à protéger par magie sympathique les récoltes et les bêtes des orages et incendies. Et ce cycle semble faire écho à celui des douze jours, qui lui est diamétralement opposé sur le calendrier.

On dit encore que saint Pierre a envoyé des disciples dans toutes les directions pour diffuser le christianisme, et il passe pour avoir évangélisé lui-même la Provence : les pêcheurs n'y prenaient pas la mer le jour de sa fête, et ils brûlaient symboliquement sa barque pour l'empêcher de repartir.