LES
DONNÉES LÉGENDAIRES
DE BOUZILLÉ
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Pascal
Duplessis met en évidence, autour du personnage de Gargantua,
deux grands thèmes en fait complémentaires : celui
de la défécation créatrice, source de fertilité,
et celui de la royauté.
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Qui,
de saint Michel,
archange de lumière,
et du démon qu'il écrase
est censé représenter
Gargantua ?
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Il
s'appuie sur un récit
légendaire qui a été recueilli et publié
au début du XXème siècle, et qui montre le bon roi
Gargantua venant au secours de ses sujets engagés dans un
profond et violent litige : quelle est la ville qui peut se prévaloir
d'être à égale distance d'Angers
et de Nantes ?
En bon géomètre, il pose un pied sur les tours de la cathédrale
d'Angers, l'autre sur celles de Nantes et, baissant ses chausses, se soulage :
il dépose ainsi, bien au centre, la butte de Bouzillé.
L'exploit est d'ailleurs parfois attribué à sa jument qui,
elle, avait deux pieds posés en chaque ville.
Il semble que le véritable centre coïncide en fait avec une
croix de carrefour voisine, la Croix de Navarre, ou Croix de Mi-Voie,
sur la commune du Marillais. Mais Bouzillé même
se situerait exactement à mi-distance de deux sites plus représentatifs
au niveau mythique : la cathédrale d'Angers et la Roche à
Ballu, en aval de Nantes.
D'anciens rites de célébration du Carnaval dans la
région, rapportés par H.
Cormeau, insistent sur le caractère scatologique de cette légende
d'origine : " Un masque couvert d'une grande chemise
par-dessus ses vêtements, s'en allait en se tordant dans d'affreuses
contorsions de colique. Un compère apportait un pot de chambre ;
son aide levait la chemise, un troisième soulevait dans le pot
une trochée de boudins et la montrait au public pendant que tous
les masques, se pinçant le nez d'une main, se frottaient le ventre
de l'autre comme les gens qui se réjouissent d'un prochain régal. "
P. Duplessis détecte dans ces traditions un mythe de fondation :
" La naissance de Bouzillé met en scène un acte
de défécation originel, perpétré par un géant
cosmogonique et régénéré par le rituel de
carnaval ... Contenus et contenants s'y mélangent à
l'infini, Gargantua chié et Gargantua chieur, bouse ventre et bouse
étron, la trochée de boudins déféquée
avant d'être à nouveau consommée. Tout concourt à
confondre l'acteur à sa production et à fondre en une seule
entité créature et création. Nous retrouvons un mythe
d'émergence du cosmos par le sacrifice du géant primordial.
Dans cette perspective, Gargantua ne fait pas seulement le mont, il est
le mont. "
L'association de Gargantua avec un mont suggère un lien
avec tous ces monts Gargan qui (notamment dans la Manche, à Rouen,
en Savoie ou en Italie) ont été convertis en monts Saint-Michel.
Et saint Michel se trouve effectivement représenté
dans l'église. Qui plus est, cet archange de lumière, substitut
de Gargantua, prend aussi volontiers le relais du dieu gaulois
Belen, "le lumineux", que l'on devine dans la toponymie
locale, ou de son équivalent Lug.
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L'ancienne
cloche du monastère
de Saint-Florent-le-Vieil
est-elle exposée dans l'église
en souvenir de la cloche d'or
donnée par Charlemagne
à Notre-Dame-du-Marillais ?
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Ce
dieu celtique, qui incarne la royauté, est effectivement bien présent
ici. La paroisse est consacrée à saint-Pierre-aux-Liens
dont la fête semble avoir perpétué, au 1er
août, la célébration de la grande fête du Lugnasad
qui, notamment en Irlande mais certainement aussi, sous une forme ou une
autre, dans l'ancienne Gaule, consacrait la royauté. Une royauté
qui se doit de garantir le bon exercice des trois
fonctions fondamentales : le droit, la sécurité
et l'abondance. Tel est bien le sens de l'action du "roi"
Gargantua à Bouzillé : face à
l'anarchie il établit la justice et définit un centre, il
sépare les armées qui s'opposent, et il enraye la disette
en fertilisant la terre.
C'est aussi ce que, selon la tradition, Charlemagne
réalise symboliquement
dans les environs immédiats : il fait don d'une cloche
d'or à l'église du Marillais, il fend un rocher de
son épée, et il remet le vase du Graal - un vase
d'abondance - au monastère de Saint-Florent-le-Vieil.
Le mythe transforme ainsi une zone marginale en centre de royauté,
en lieu d'équilibre et d'abondance.
Par ailleurs, P. Duplessis note que c'est la déesse, détentrice
de la souveraineté,
qui concède la royauté, et que la célébration
du Lugnasad était nécessairement associée
au culte d'une déesse-mère,
garante de la fertilité. Or celle-ci existe à proximité
immédiate de Bouzillé, et dans un rapport géographique
significatif : le
Marillais a été, dès l'an 430, le site d'une
apparition de la Vierge qui a fixé pour l'ensemble de la chrétienté
sa Nativité au 8 septembre, soit quarante jours après
le 1er août. Et ne voit-on pas régulièrement
un sanctuaire marial associé à une hauteur consacrée
à saint Michel ? Il est de surcroît avéré
que déjà dans l'Antiquité un collège de druidesses
y rendait un culte à une déesse féminine.
Bien d'autres clefs (toponymie, calendrier, histoire locale, légendes
...) ont été explorées par P. Duplessis. Il a notamment
étudié les rapports avec le site de la Fribaudière,
à La Pommeraye, à l'est-sud-est. Tout se conjugue
pour désigner Bouzillé comme un ancien centre cultuel
et symbolique important, "un omphalos organisant un espace
sacré".
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