Une
explication alternative à la parenté mythique hittito-bretonne
est la suivante : on sait quau début du IIIe siècle avant
notre ère, un important groupe de peuples celtiques sest installé
en Anatolie centrale, formant les trois royaumes appelés globalement
chez les historiens grecs les Galates ; ces Galates ont assurément recueilli
des traditions locales, indigènes, anatoliennes. Or, divers indices engagent
à penser que, dans le cadre de leffondrement des Etats galates
et des vicissitudes des peuples celtiques dans les deux derniers siècles
avant notre ère, des éléments galates ont pu refluer vers
loccident, et se mêler aux populations dites (aujourdhui)
gauloises, ou aux Bretons de Grande-Bretagne. En ce cas, il ny aurait
pas eu déchange préhistorique de matériel mythique
et rituel entre Proto-Celtes et Proto-Anatoliens, mais simplement transmissions
des Anatoliens aux Celtes en des temps tardifs.- Il n'y a nulle impossibilité
à cette thèse, mais l'insertion profonde du groupe de personnages
Efflam-Carantec-Gengoulph dans le légendaire breton, gallois et français,
les liens de ces saints avec l'ancien dieu Lug, invitent à voir dans
ces récits la christianisation d'un authentique matériel celtique,
et celtique depuis les temps les plus reculés. Les parallèles
grecs engagent à la même conclusion. Et de même encore le
motif suivant : Efflam, dans la version collectée en Trégor au
début du XXe siècle, gardait les innombrables troupeaux de son
père, roi dIrlande. Lorsquil se dispute avec sa femme et
senfuit, dans une auge de pierre, en Bretagne, Enora sécrie
: "Ce nest pas juste, Seigneur, il faudra que jaille chez
lui pour chercher la messe et du lard !". De fait, lorsquelle
arrive en Bretagne, il lui concède quelques porcs : cette association
du porc et de la royauté est typique de lancienne royauté
celtique. Elle ne doit rien aux Hittites, et enracine le mythe dans la plus
profonde antiquité celtique. Il s'agit donc bien, plus vraisemblablement,
d'un matériel indo-européen ancien que d'une transmission de l'Anatolie
aux derniers Celtes d'avant la conquête de la Gaule.